Textes Expositions / Médias

TEXTES EXPOSITIONS / MEDIAS


> Paris-Art.com - 2008 (extrait)

« Après la posture de déconstruction de ses débuts artistiques, Line Rochon entre dans un processus de reconstruction lente qui puise son fondement sur deux attitudes : le goût du jeu et celui de l’expérimentation. Passionnée par les neurosciences et la physique quantique, elle poursuit son « rêve quantique » dans une matière, une manière et un langage  qui prennent forme et sens, peu à peu, au fil d’expériences multiples. La première onde de choc, si l’on peut dire, a été son observation à travers un verre optique de lunettes et l’incidence d’un rayon lumineux décomposant la lumière blanche. Cette vision qui relève du champ scientifique l’entraîne dans un travail analytique par différents supports : pliage et mise en volume de matériaux découpés.

S’ensuit une période de construction de livres avec des papiers découpés et pliés, comme si pour arriver au plus simple (le cercle), il fallait passer par la complexité du volume pour mieux éprouver la « chair » de la ligne. De fait, ces livres de 228 pages qu’elle élabore, déroutent. Ce ne sont pas des livres d’artistes à  vendre mais des objets qu’elle considère comme un jalon sur son chemin.  Le découpage crée la ligne et interroge par là-même sur l’origine du dessin et le rôle du support. Les contraintes techniques permettant, d’une certaine façon, le jaillissement d’une écriture automatique. Avant de se libérer de la technique, elle doit l’éprouver.

Progressivement, elle affirme un travail en trois dimensions avec des œuvres qui frayent leur chemin entre la sculpture et la peinture, et l’invention technique d’un procédé de rigidification d’une toile tendue par des fils d’acier. (Le fil est aussi un trait). Les diptyques et les triptyques  jalonnent son parcours, alternant l’infiniment grand et l’infiniment petit, scandant en volume et en rythme la sphère. Les cercles de Line Rochon sont de l’ordre du vivant, éloignés de l’art construit en fin de compte ; ils tournent et donnent le vertige et cette sensation étrange peut saisir celui qui pénètre dans son atelier.

Ce cercle mis en œuvre, en orbite pour atteindre la ligne tendue  passe par plusieurs états. D’abord, est le cercle foisonnant, cercle d’allers et retours, de sinusoïdes qui explosent en volutes, en arcs-en-ciel de couleurs, donnant à voir d’autres dimensions que celle du cercle, figure géométrique imposée. Surgit le cercle onirique, le cercle magique qui ouvre d’autres cercles en s’éloignant  du « cercle parfait » pour abonder dans les entrelacs et élaborer un monde différent.

Ainsi, Line Rochon, en  sortant de la quadrature du cercle, choisit la liberté en transcendant les contraintes et les contraires. Les trois dimensions s’intègrent naturellement, les tensions traversent l’espace intérieur et celui de la toile dans un échange perpétuel ; chaque œuvre est une aventure qui concentre son expérience, conjuguant l’aléatoire contrôlé, le hasard, l’humour et l’humeur jusqu’à l’obtention d’un accord artistique et ontologique.
Etonnamment, malgré le contrôle de toutes les étapes du processus de création, l’aboutissement est imprévisible. »
                                                              
 Brigitte CAMUS

> EXPOSITIONS - 1998 - PARIS - Galerie Estève, Galerie GNG

On ne saurait rendre compte de la problématique de Line ROCHON en la bornant à une réflexion analytique sur son mode de fonctionnement, son existence comme un fait en soi, ou ses connotations avec les voies psychanalytiques. Parce qu'elle n'a pas renoncé, à la maniêre de tant de pratiques formelles, à la notion de plan, de mouvement, de surfaces plurielles, de métaphore de l'image la plus concrête, c'est à dire la plus abstraite, parce qu'elle a recours à la hiérarchie des formes et des textures, aux gradations colorées, et n'a pas subordonné son registre à sa seule matérialité, elle donne le primat aux vibrations les plus intimes de l'autre, plutôt qu'à la sécheresse du concept. En quelque sorte, elle n'instruit pas de partition banalisée, uniquement axée sur la "raison raisonnante", et si elle délivre un monde pensé et rigoureux, c'est aussi un monde à l'aune de ses affects et de son énergie intérieure, profondément attaché à ce qui vit. D'ailleurs, elle avoue mettre en concordance ses états mentaux et son rapport au vivant, en évitant de focaliser sur une émotion spécifique.
Alors, pour développer ses savantes métamorphoses oscillant entre l'impact du signe et l'alphabet construit, elle use d'une stricte économie de moyens, afin de combiner le tressage généralement circulaire d'éléments géométriques récurrents : le carré ou la sphêre, souvent partagés par une ligne médiane ou un quadrillage, à partir desquels s'organise et se constitue son vocabulaire.
Néanmoins, l'élaboration de ses supports ne passe pas par la répartition des aplats ou les appuis de la matiêre, puisque tout ici participe d'une souplesse arachnéenne, parfois mobile, où le rôle du graphisme est prépondérant dans la complexe articulation des parties. Des parties inscrites sur des étendues cartonnées, sur lesquelles se greffent des papiers découpés, pliés et superposés en bandes verticales, en spirales ou en agrégats décalés, qui créent progressivement, selon la nature des agencements, des différences d'épaisseurs et de tessitures, des écarts et des affaissements, dont la fusion étudiée nous entraîne dans une suite de vertiges.
En d'autres occasions, Line ROCHON instille à sa main une plus grande liberté, mais ses vagabondages hiéroglyphiques, dont la prolifération irrigue le champ d'une nuée de ratures, de zébrures, de tà¢ches et de maculatures, ne perdent jamais leur cohérence et les tensions qui les animent.
Plus dépouillées, certaines oeuvres adoptent des allures sphériques, voire rayonnistes, striées et nuancées par les accords chromatiques, quelquefois entamées par des zones vierges qui accusent le blanc de la trame, pendant que d'autres affichent leur monochromie, ou détachent une végétation en friche sur une moitié de leur territoire. Plus loin encore, ne subsiste que la trace de la forme ou simplement l'objet, mais l'ensemble demeure en permanence en marge de toute tentation décorative.
Un sentiment à la fois grave et ludique, sous-tend cette écriture féconde et singuliêre, qui ne s'apparente à aucune autre.

Gérard XURIGUERA.

> EXPOSITIONS - 1980 - PARIS et EUS - Fondation Boris Vian

Loin des minauderies de l’heure

Des trois exposants de la Fondation Boris Vian, Line Rochon est sans doute celle dont l’œuvre est d’accès le plus difficile. Par l’austérité formelle dans laquelle elle se présente (point de minauderies figuratives), par sa définition du dessin (pliage, découpe aux ciseaux) et surtout par le fait qu’elle ne peut être comprise isolée de la problématique globale de cette jeune artiste. Œuvre partielle (seulement 7 pièces d’un ensemble qui en compte 27) et relativement ancienne (elle remonte à quatre ou cinq ans), elle donne mal une image exacte d’une recherche que suit avec intérêt un critique averti comme Michel Giroud.
Par commodité, nous qualifierons cette recherche d’avant-gardiste. Elle occupe dans notre paysage régional une place à la fois singulière (solitaire, marginale) et courageuse (le risque de la création ayant quelque peu déserté nos ateliers de jeune peinture). On aurait trop vite fait de s’en débarrasser en la regardant comme un avatar de telle modernité défunte.
Ce travail de fausse simplicité dont la raison structurante se trouve dans le « je ne sais quoi » et « le presque rien » chers à Jankélévitch (pour lequel Rochon a une profonde admiration), ouvre à la fois sur la mathématique, la philosophie et la psychanalyse, trois des principaux domaines d’expérience de notre artiste.
Art, pour ainsi dire pauvre en ce qu’il se limite quasi exclusivement à un matériau : le carton blanc, et à une seule opération : le découpage. Mais, également, art « sophistiqué » en ce qu’il se révèle - si l’œil veut bien gratter plus loin que les premières sensations - intégration de recherches antérieures : sur la figure géométrique (le rectangle dont la complexité autorise de nombreuses variations d’écriture), sur le pli, la découpe (que ce soit en bandes verticales répétées identiques, ou que ce soit en caches caches), sur la série.
Art de la dérision, ainsi, en ce que la pauvreté matérielle du mode de production est chargée d’une bonne dose d’humour et de jeu, mais art sérieux, avant tout, en ce qu’il est fait de manipulations discrètes : le découpage en bandes introduit, par exemple une rupture de poids dans le support dont la rigidité est du même coup modulée en segments mobiles. Art sérieux aussi en ce qu’il bannit une « illustration » vulgaire : la représentation (le dessin) désignant seulement le schéma d’un travail physique (par les ciseaux), sensuel (par le jeu tactile du découpage, ou du recouvrement-collage), mental (par les formes et les oppositions d’espaces et de rythmes obtenus) ; la représentation étant la trace de la préhension physique et de l’appréhension poétique d’un matériau et de sa matérialité : la matité du blanc du carton, l’opalescence du papier fin…
De ce travail de dessin, l’aspect couleur n’est pas absent. La couleur, certes, n’y est pas rapportée ou ajoutée, mais « auto générée » par le support et la valorisation qui résulte d’une projection d’ombres, de l’opposition de la nature et de la texture des éléments, ou encore du mouvement qui fait trembler les ombres : des couleurs subtiles, non affectives, couleurs contextuelles et conceptuelles, non décoratives.
En ces temps de retour au galop des sonorités académiques, ce travail de Line Rochon, rigoureux et économe, discret et patient, mérite sympathie et encouragements. Que l’écho de cette exposition soit l’occasion de la découverte prochaine de son œuvre graphique et picturale plus récente.

Jacques Quéralt
                                                                                                                                            
Article de presse « L’Indépendant »
Exposition à EUS en 1980
(Suite à une exposition individuelle à la Fondation Boris Vian de Paris)

 



 

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